mercredi 19 septembre 2012

One Dollar Baby


Il y a un peu plus de quatre mois, Pascal m'avait promis que le jour où ma condition physique, notamment mon temps de récupération, le permettrait, il me ferait faire de la boxe (sa discipline). A l'époque, je me souviens avoir pensé que ça n'arriverait probablement jamais. Enfin, plus exactement, je ne voyais pas par quel miracle j'allais mettre 2 ou 3 minutes à récupérer une fréquence cardiaque à peu près normale après un gros effort, là où j'en mettais alors 15....

Mercredi dernier, trois jours après la Parisienne, Pascal m'a donné rendez-vous à la salle pour faire une séance de musculation. J'étais vraiment heureuse de le revoir, après 15 jours d'entrainement à distance, mais bon, la muscu... c'est indispensable, mais il y a plus exaltant. D'ailleurs, j'ai pensé qu'il voulait m'apprendre un nouveau geste technique, parce que sinon il m'aurait laissé faire ma séance toute seule.  Mais j'étais loin de me figurer qu'il allait m'apprendre à faire un uppercut.
Quand je suis sortie des vestiaires, il m'a annoncé, avec son petit air de accroche-toi-on-va bien-s'marrer-t'es-assise ? que je commence à bien connaître : "aujourd'hui...on BOXE !".

♫♪ Face to face ! out in the hea-eaaaaaaaaat ! ♫♪
Ouaiiiiiiiiiiis ! Ouais ! ouais, aujourd'hui on boxe, OUAIIIIIIIS !!
♫♪ Hangin' tough, stayin' hungry ! ♫♪
Depuis le temps que j'attends ça ! HAHA !
♫♪ They stack the odd, still we take to the street ♫♪
Je suis Mohamed Ali, "I will show you how great I am" ! Yeah kiddo, "baaaaaad, I'm baaaaaaaaad" !
 ♫♪ For the kill with the skill to surviiiiive ♫♪

... Et là (dérapage du diamant sur le 33 tours) il m'a collé une corde à sauter dans les mains.

"Tu sais que 20 minutes de corde à sauter, ça équivaut à 40 minutes de course, environ ?... Allez, c'est parti pour des séries de 3 minutes, 1 minute de récupération !"

What ?! Mais je ne sais même plus par quel bout ça se tient moi, une corde à sauter !... Et là, je comprends qu'avant de me trémousser en fredonnant The eye of the tiger, il va falloir que j'en chie des ronds de chapeaux. The thrill of the fight, tu penses ! The thrill of la corde qui te fouette le mollet, ouais... Combien de fois j'ai sauté sur la corde, combien de fois il a fallu que je reprenne, le souffle court, la gueule en feu, alors que c'était juste l'échauffement... Au bout de 15 minutes, tout de même, j'ai commencé à sentir un mieux, le rythme qui s'impose, le corps qui se tend. Nous avons fini par un échauffement ostéo-articulaire (principalement des bras et des épaules).

Après une demi-heure d'échauffement, j'étais prête pour enfiler des gants. Enfin, d'abord des espèces de mitaines, avec un coussinet de gel au niveau des articulations, et des bandages autour des poignets, puis seulement les gants. HAHA, ça devient sérieux, là, non ?!?! :-)

Une heure durant, Pascal m'a alors appris des gestes de base : le direct, le crochet, et l'uppercut. Et une règle d'or : ne jamais baisser sa garde. Protéger les mandibules, protéger les côtes, en permanence. Et contrairement à ce qui se passe en boxe thaï ou en boxe française, on ne frappe pas avec les jambes, en boxe anglaise. Elles restent au sol.... ça a l'air simple, dit comme ça, mais cela faisait une éternité qu'un exercice ne m'avait pas demandé autant d'efforts de concentration.
Ou plutôt non, ça ne faisait pas si longtemps : vendredi dernier, à mon cours de chant. Tout geste technique demande de la concentration et de la répétition : il doit être ingéré, intégré, compris, au point de devenir un automatisme, avant de pouvoir être exécuté avec de la force. En boxe, comme en chant lyrique. Sauf que le geste vocal est interne. On ne peut pas le reproduire au visuel ou à l'oreille, on est obligé d'apprendre à le sentir, et ce travail d'orfèvre, naturel chez quelques extraterrestres, peut prendre des années pour le commun des mortels.
J'ai senti la fatigue nerveuse monter petit à petit. J'étais souvent tentée de rire... pour rien, juste pour masquer mon embarras, ou mon refus, au départ, de frapper, quand Pascal me le demandait. Comme si j'allais lui faire mal, la bonne blague.... N'empêche. ça n'est pas un geste banal, ça n'est pas un sport anodin.

Au bout d'une heure de directs, crochets et uppercuts, j'étais cuite. Les cheveux dégoulinants sur ma joue (allez vous recoiffer avec des gants de boxe), le pantalon roulé sous la bedaine (oui, allez remonter un pantalon avec des gants de boxe...), et le t-shirt prêt à essorer, je n'avais qu'une envie : filer sous la douche puis sous ma couette.

Mais en fait, c'est sur le dos, que j'ai filé. Pour une série d'abdos. "Eh ouais, c'est un entrainement de boxe, Caro, on rigole pas, là !". Puis encore un exercice de gainage (il faut faire superman qui vole sur le ventre, et tenir). Et enfin le stretching.

Deux heures, en tout, dont je suis sortie lessivée. Et lavée de tout stress. Cette nuit là a été la seule, de toute la semaine, où j'ai bien dormi.

                                                                           * * *

Je ne pouvais pas terminer ce post sans partager avec vous une des mes interviews préférées de Mohamed Ali. Cela se passe juste avant son combat (baptisé "Rumble in the jungle") contre George Foreman à kinshasa, le 30 octobre 1974.
Pour bien savourer cet extrait, il faut planter le décor : Ali tente depuis plusieurs années de reconquérir son titre de champion du monde. Le mythe s'est un peu effrité. Foreman, quant à lui, vient de mettre au tapis l'un des grands vainqueurs d'Ali : Joe Frazier. L'enjeu est donc énorme, pour Ali, qui va tenter de prendre un ascendant psychologique sur Foreman. Et voici comment il s'y prend.



Mohamed Ali When we were kings par polobylimsa

vendredi 14 septembre 2012

Ma Parisienne

Mettre mon cardio-fréquencemètre, épingler mon dossard, enfiler le bon pantalon de course (celui que je ne perds pas)... d’abord la jambe gauche, toujours, chaussette, chaussure, puis la jambe droite... "et puis une gorgée de Volvic, toujours". Je ricane, un pied en dehors de la couette.

On est dimanche matin. Il est 4h40, et je fixe le plafond. J’attends que le réveil sonne en tentant de visualiser le trajet de la course, dont le top départ sera donné dans six heures.
Je pars des jardins du Trocadéro, je monte à droite jusqu’à Iéna, puis je redescends sur le carrefour de l’Alma (1km). Ensuite je prends à droite les quais de Seine, je repasse devant le Trocadéro (2 km) pour filer jusqu’au pont de Bir Hakeim. Je traverse la Seine puis je reprends les quais sur la gauche. Là, au 3ème kilomètre, peu après mon cher stade Emile Anthoine, il y aura un ravitaillement. Mais je ne m’arrêterai probablement pas (sauf pour un verre d'eau).
La question peut se poser, au matin d’une course, de savoir s’il vaut mieux se lever un peu tôt pour manger, sachant qu’il faut alors respecter un délai de 3 heures environ avant de courir, ou bien se lever plus tard, faire une bonne nuit, et partir à jeun. En l’occurrence, la compétition ne débutant pas avant 10h, je vais évidemment engloutir mon petit déjeuner habituel : un café, un jus d’orange, une tranche de vollkornbrot (pain noir) avec une tranche de gouda, une habitude héritée de mes séjours berlinois. Pas besoin de ravitaillement en vol, donc.
La suite du trajet me semble plus confuse, car je ne passe jamais par là à pied. J’ai donc un peu de mal à évaluer les distances, mais a priori, cela me semble très simple : je longe les quais de Seine devant la Tour Eiffel, je passe devant le musée du quai Branly. Arrivée au pont de l’Alma (4km), je prends à droite l’avenue Rapp qui débouche sur le côté droit du Champ-de-Mars. Là, je remonte l'avenue de la Bourdonnais en direction de la Tour Eiffel, je traverse le Champ-de-Mars (5km), que je contourne ensuite par l'avenue de Suffren jusqu’à Ecole Militaire, où se situe la ligne d’arrivée (6,3 km).
Pif paf pouf, c’est bon, c’est dans la poche.

6h40. Je me lève.

7h30. Coup de fil de Pascal, mon coach. "Vis ta course, fais toi plaisir, oublie tout le reste". Je savoure cette dernière ration de confiance, de patate, et de complicité.

9h00. Je rejoins les neuf collègues avec qui je cours dans la catégorie Challenge entreprise. La foule grossit à vue d’œil derrière nous. Le soleil qui chatouillait timidement les pieds de la Tour Eiffel il y a une demi-heure commence à devenir insistant. On lui tourne le dos, on évite son regard, mais rien n’y fait : il est déjà chaud. Or pour ne pas m'encombrer, ni avoir envie d'aller faire un tour dans les fourrés en me frayant un passage à travers les 24000 participantes de cette édition 2012, je n'ai pas pris d'eau, et je commence à le regretter.

9h45. Je suis surexcitééééééééééééééée !!! Au loin, un haut-parleur crache de la techno, et devant moi, des filles déguisées en poisson s’agitent, et se trémoussent, comme hors de leur bocal. Toutes les 4 minutes, un bloc d'environ un millier de battantes se place sur la ligne de départ, s’échauffe sous les consignes survitaminées d’une animatrice en débardeur fluo, et part en petite foulée.

9h58. J’ai mal au ventre. J’aurais dû écouter mon instinct et manger du muesli avec du yaourt, bordel… Pas de fibre avant une course, tout le monde sait ça!... Ou alors c’est le stress…

10h00 : "Zérooooooo !" Le compte à rebours est terminé. Le bloc dans lequel je me trouve s’ébranle et s’élance, et s'émiette, à l’assaut de l’avenue d’Iéna. Je déclenche ma Polar, et me jette dans la cohue.

A partir de ce moment là, j'ai passé mon temps à me faire doubler.
54 minutes, très précisément.
Je peux vous dire que psychologiquement, il faut être à l'aise dans ses baskets pour apprécier, avec toute la distance nécessaire, cette sensation de... ben de ramasse, quoi. D'autant que je me suis aperçue, au panneau annonçant le 2ème kilomètre, que mon podomètre était calibré de manière très optimiste, et que, quand il m'indiquait 2 km, j'en avais en réalité parcouru 1,9. Croyez moi : quand vous passez le panneau "5 kilomètres", alors que vous pensiez en avoir parcouru 5,5 , et qu'en plus il vous en reste 1,3 à faire EN VRAI, vous êtes à deux doigts du forfait.

Heureusement, fanfares et percussionnistes s'égrainent tout le long du parcours, balisé d'une foule d'anonymes, venus là pour encourager quelqu'un ou même parfois personne, c'est à dire tout le monde. Entre le 4ème et le 5ème kilomètre, j'ai marché, pendant quelques dizaines de mètres, n'en pouvant plus de fatigue et de chaleur. Une dame m'a alors lancé un grand sourire "Allez Caroline, tiens le coup, jusqu'au bout !!". J'ai compris pourquoi les dossards, qui portaient nos prénoms, devaient être portés à l'avant du t-shirt. Ce soutien, aussi inattendu qu'émouvant, m'a reboostée pour quelques centaines de mètres.

Les 300 derniers mètres ne furent pas les plus durs, comme on le prétend souvent. Mais le kilomètre qui a précédé, oui, ça, c'est certain. J'ai franchi la ligne d'arrivée le visage cramoisi et les jambes lourdes, mais heureuse. Puis j'ai rejoint mes collègues dans le Village installé, pour l'occasion, sur le Champ-de-Mars.

La retombée a été un peu dure. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'être émue tout de suite. J'avais surtout un mal de ventre carabiné, on eu dit que j'avais couru 6 km dans mes entrailles. J'ai repensé aux explications de Pascal au sujet de l'ischémie mésentérique... J'ai descendu le demi-litre d'eau que l'on m'a tendu à l'arrivée, mais je ne suis pas arrivée à finir ma banane. Pas faim, juste soif, et une immense fatigue, qui s'est abattue d'un coup dans mes genoux. J'ai appelé Pascal pour lui raconter l'essentiel et le remercier, puis je suis rentrée prendre ma douche et me glisser sous ma couette, pour une bonne partie de l'après-midi.

ça n'est que le lendemain que j'ai commencé à parader, médaille au cou, et fierté à la boutonnière.




PS : Pour l'anecdote, mes collègues ont toutes méchamment assuré ! Stéphanie a fait la course en 32 minutes, et les autres ont mis entre 40 et 50 minutes.

samedi 8 septembre 2012

J - 1

J-1, tout va bien.

Enfin tout va bien... Faut le dire vite.

J'alterne entre des moments d'intense confiance : je suis entraînée, je sais que je peux faire cette course de 6 km, il va faire beau, je serai avec des filles super chouettes et dynamiques... et des instants de doutes affreux : d'abord, la course, elle n'est pas de 6 km, mais de 6.3 km et croyez moi que les 300 mètres en plus je vais les sentir passer, ensuite, la dernière fois que je suis partie courir 5 km, j'ai regardé ma montre tous les 100 mètres à partir du 4ème kilomètre, en priant pour que ça s'arrête, et enfin il ne va pas faire beau mais CHAUD ; sachant je vais attendre deux heures avant le top départ (28 000 participantes, un départ toutes les 7 minutes entre 9h45 et 11h), comment je vais faire si j'ai envie de faire pipiiiiiii ?!?...

Bref, J-1, (presque) tout va (à peu près) bien.

Ma semaine a été pauvre en vie sociale. Très pauvre. Je crois que j'ai rarement vu aussi peu de potes. J'ai même refusé une soirée pour aller m'entrainer... Mais, mais, mais... j'ai noué une relation très intime avec la Coulée verte. J'ai couru en effet presque tous les soirs sur cette ancienne voie ferrée qui, bordée d'arbres et d'arbustes, quelques mètres tantôt au dessus tantôt en dessous du niveau des habitations, trace un rayon de fraicheur du cœur de la capitale jusqu'à la porte de Montempoivre, à la lisière du bois de Vincennes.

J'ai été très étonnée, cette semaine, de constater qu'il m'était beaucoup moins pénible de courir 12 minutes à 8.3 km/h (lors de mon dernier Cooper) que 24 minutes à 7 km/h. La raison est très simple : moins vous avez de vitesse, plus vous pesez sur vos muscles, donc plus vous les ressentez. C'est un peu comme quand vous montez les marches d'un escalier en faisant des gestes lents. Vous risquez d'avoir une sensation de lourdeur et de fatigue plus importante que si vous montez cet escalier quatre à quatre. Dans ce dernier cas, vous serez plus essoufflé, c'est certain, la fréquence cardiaque s'accélérant. Mais grâce à votre force d'inertie, la sensation de lourdeur sera moindre. Il est donc intéressant d'alterner de longs exercices d'endurance fondamentale (par exemple 45 min au cours desquels votre fréquence cardiaque ne dépasse pas les 75%) et des fractionnés (alternance d'accélérations sur quelques minutes, puis de récupérations).

J'ai fini la semaine sur les rotules.

C'était le but d'ailleurs. Si Pascal m'a fait courir tous les soirs, alors que d'ordinaire mes entrainements sont espacés d'au moins un jour de repos, c'est parce qu'en fatiguant l'organisme plus que d'habitude, sans lui laisser le temps de totalement récupérer, on l'amène, le jour où l'entrainement s'arrête, à "surcompenser". C'est à dire non seulement à récupérer ses anciennes capacités de manière optimale, mais aussi à les dépasser. J'ai donc couru mardi, mercredi, jeudi et vendredi, mais aujourd'hui, je n'ai strictement rien fait, à part voir des amis, me faire faire un massage thaï traditionnel et manger des pâtes.

En principe donc, je devrais arriver au Trocadéro demain avec mes réserves de glycogène et d'oxygène bien à bloc. Reste à bien dormir cette nuit, et à ne pas trop cogiter au top départ. Et ça, c'est pas gagné. :-)

...

Et vous, vous souvenez vous de votre premier challenge sportif ?