vendredi 14 septembre 2012

Ma Parisienne

Mettre mon cardio-fréquencemètre, épingler mon dossard, enfiler le bon pantalon de course (celui que je ne perds pas)... d’abord la jambe gauche, toujours, chaussette, chaussure, puis la jambe droite... "et puis une gorgée de Volvic, toujours". Je ricane, un pied en dehors de la couette.

On est dimanche matin. Il est 4h40, et je fixe le plafond. J’attends que le réveil sonne en tentant de visualiser le trajet de la course, dont le top départ sera donné dans six heures.
Je pars des jardins du Trocadéro, je monte à droite jusqu’à Iéna, puis je redescends sur le carrefour de l’Alma (1km). Ensuite je prends à droite les quais de Seine, je repasse devant le Trocadéro (2 km) pour filer jusqu’au pont de Bir Hakeim. Je traverse la Seine puis je reprends les quais sur la gauche. Là, au 3ème kilomètre, peu après mon cher stade Emile Anthoine, il y aura un ravitaillement. Mais je ne m’arrêterai probablement pas (sauf pour un verre d'eau).
La question peut se poser, au matin d’une course, de savoir s’il vaut mieux se lever un peu tôt pour manger, sachant qu’il faut alors respecter un délai de 3 heures environ avant de courir, ou bien se lever plus tard, faire une bonne nuit, et partir à jeun. En l’occurrence, la compétition ne débutant pas avant 10h, je vais évidemment engloutir mon petit déjeuner habituel : un café, un jus d’orange, une tranche de vollkornbrot (pain noir) avec une tranche de gouda, une habitude héritée de mes séjours berlinois. Pas besoin de ravitaillement en vol, donc.
La suite du trajet me semble plus confuse, car je ne passe jamais par là à pied. J’ai donc un peu de mal à évaluer les distances, mais a priori, cela me semble très simple : je longe les quais de Seine devant la Tour Eiffel, je passe devant le musée du quai Branly. Arrivée au pont de l’Alma (4km), je prends à droite l’avenue Rapp qui débouche sur le côté droit du Champ-de-Mars. Là, je remonte l'avenue de la Bourdonnais en direction de la Tour Eiffel, je traverse le Champ-de-Mars (5km), que je contourne ensuite par l'avenue de Suffren jusqu’à Ecole Militaire, où se situe la ligne d’arrivée (6,3 km).
Pif paf pouf, c’est bon, c’est dans la poche.

6h40. Je me lève.

7h30. Coup de fil de Pascal, mon coach. "Vis ta course, fais toi plaisir, oublie tout le reste". Je savoure cette dernière ration de confiance, de patate, et de complicité.

9h00. Je rejoins les neuf collègues avec qui je cours dans la catégorie Challenge entreprise. La foule grossit à vue d’œil derrière nous. Le soleil qui chatouillait timidement les pieds de la Tour Eiffel il y a une demi-heure commence à devenir insistant. On lui tourne le dos, on évite son regard, mais rien n’y fait : il est déjà chaud. Or pour ne pas m'encombrer, ni avoir envie d'aller faire un tour dans les fourrés en me frayant un passage à travers les 24000 participantes de cette édition 2012, je n'ai pas pris d'eau, et je commence à le regretter.

9h45. Je suis surexcitééééééééééééééée !!! Au loin, un haut-parleur crache de la techno, et devant moi, des filles déguisées en poisson s’agitent, et se trémoussent, comme hors de leur bocal. Toutes les 4 minutes, un bloc d'environ un millier de battantes se place sur la ligne de départ, s’échauffe sous les consignes survitaminées d’une animatrice en débardeur fluo, et part en petite foulée.

9h58. J’ai mal au ventre. J’aurais dû écouter mon instinct et manger du muesli avec du yaourt, bordel… Pas de fibre avant une course, tout le monde sait ça!... Ou alors c’est le stress…

10h00 : "Zérooooooo !" Le compte à rebours est terminé. Le bloc dans lequel je me trouve s’ébranle et s’élance, et s'émiette, à l’assaut de l’avenue d’Iéna. Je déclenche ma Polar, et me jette dans la cohue.

A partir de ce moment là, j'ai passé mon temps à me faire doubler.
54 minutes, très précisément.
Je peux vous dire que psychologiquement, il faut être à l'aise dans ses baskets pour apprécier, avec toute la distance nécessaire, cette sensation de... ben de ramasse, quoi. D'autant que je me suis aperçue, au panneau annonçant le 2ème kilomètre, que mon podomètre était calibré de manière très optimiste, et que, quand il m'indiquait 2 km, j'en avais en réalité parcouru 1,9. Croyez moi : quand vous passez le panneau "5 kilomètres", alors que vous pensiez en avoir parcouru 5,5 , et qu'en plus il vous en reste 1,3 à faire EN VRAI, vous êtes à deux doigts du forfait.

Heureusement, fanfares et percussionnistes s'égrainent tout le long du parcours, balisé d'une foule d'anonymes, venus là pour encourager quelqu'un ou même parfois personne, c'est à dire tout le monde. Entre le 4ème et le 5ème kilomètre, j'ai marché, pendant quelques dizaines de mètres, n'en pouvant plus de fatigue et de chaleur. Une dame m'a alors lancé un grand sourire "Allez Caroline, tiens le coup, jusqu'au bout !!". J'ai compris pourquoi les dossards, qui portaient nos prénoms, devaient être portés à l'avant du t-shirt. Ce soutien, aussi inattendu qu'émouvant, m'a reboostée pour quelques centaines de mètres.

Les 300 derniers mètres ne furent pas les plus durs, comme on le prétend souvent. Mais le kilomètre qui a précédé, oui, ça, c'est certain. J'ai franchi la ligne d'arrivée le visage cramoisi et les jambes lourdes, mais heureuse. Puis j'ai rejoint mes collègues dans le Village installé, pour l'occasion, sur le Champ-de-Mars.

La retombée a été un peu dure. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'être émue tout de suite. J'avais surtout un mal de ventre carabiné, on eu dit que j'avais couru 6 km dans mes entrailles. J'ai repensé aux explications de Pascal au sujet de l'ischémie mésentérique... J'ai descendu le demi-litre d'eau que l'on m'a tendu à l'arrivée, mais je ne suis pas arrivée à finir ma banane. Pas faim, juste soif, et une immense fatigue, qui s'est abattue d'un coup dans mes genoux. J'ai appelé Pascal pour lui raconter l'essentiel et le remercier, puis je suis rentrée prendre ma douche et me glisser sous ma couette, pour une bonne partie de l'après-midi.

ça n'est que le lendemain que j'ai commencé à parader, médaille au cou, et fierté à la boutonnière.




PS : Pour l'anecdote, mes collègues ont toutes méchamment assuré ! Stéphanie a fait la course en 32 minutes, et les autres ont mis entre 40 et 50 minutes.

6 commentaires:

  1. Ma Parisienne c'est toi !
    Bravo encore. Affalée dans un parc après un bon repas vietnamien je pensais fort à toi et aux efforts (des autres) en cette grande chaleur.
    Encore bravo.
    Je nous revois il y a 4 mois quand tu avais fais la connaissance de Pascal. Tu es très solide ma Caro.
    Des bisous et à demain pour le débrief en live !

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    1. Un grand merci Ilhamy !! Hâte de te voir demain ! :-)

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  2. bravooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo
    hip hip hip hourra.....
    ici le we prochain y a le marathon de barcelone pr les fetes locales de la Merce.. je t'y inscris?

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    1. Merci gitana mia !! Mais comment dire ? Quand je vois l'état dans lequel je suis après 6 km, je me demande sincèrement comment font les marathoniens... Mais un jour, peut-être, qui sait ?! :-)))

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  3. Tu dois être ravie d'avoir terminé cette course. Après 4 mois d'entrainement challenge réussi c'est cool ;-)

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