mercredi 10 septembre 2014

Pourquoi je cours (3)

Courir ou mourir.
Je n’ai pas tout de suite compris le titre du livre de Kilian Jornet.
Je l’ai même trouvé franchement excessif, tant il me coinçait dans cette alternative aussi grave qu’absurde :
Courir, ou mourir.
La bourse ou la vie.
Ton père ou ta mère.
Facilité d’éditeur à la con…
Jusqu’à ce que je m’entende le formuler moi-même au cours d’une discussion.
On me pose souvent la question, et je me la pose aussi, presque à chaque entraînement : pourquoi cours-tu ? Mais pourquoi cours-tu au point que ce soit difficile ? Pourquoi ne te contentes-tu pas d’un jogging tranquille le dimanche matin ?...
Je cours parce que cela me fait me sentir vivante.
Le souffle court, le mollet qui grogne sous la foulée alourdie de fatigue, le vent dans les cheveux, le sel qui ronge la peau brûlée sous les frottements, la joie d’avoir dépassé ses craintes et vaincu ses inerties, l’émotion de l’arrivée… courir me le rappelle à chaque instant : je ressens donc je vis. Chaque cellule me l’assure, et il est vrai, parfois, me le crie. Je cours pour entendre ce que mon corps a à me dire, pour me remplir de vie, et me saouler d’hormones, je cours probablement pour oublier que je suis mortelle, je cours parce que sinon, je meurs.

Que ce soit bien clair : je préfèrerais répondre un truc aussi normal et léger que « je cours pour garder la ligne », hein.
Mais ça ne serait que la peau de la vérité.
Il en manquerait la chair.

vendredi 29 août 2014

Pourquoi je cours (2)

J'ai découvert grâce à un ami ce blog BD qui contient quelques pépites très drôles sur le running. J'y ai notamment trouvé un excellent résumé de ce qui, entre autres choses, me pousse à courir : faire taire mes démons.



mardi 12 août 2014

Vingt et un virgule un (2)

Le Jour J.

 

Pendant toute la préparation au semi-marathon de Paris, j'ai eu peur de ne pas être à la hauteur. J'ai tellement mangé de kilomètres qu'à la fin ça me dégoûtait. J'avais envie de passer à autre chose, de retrouver une vie sociale. Pas toujours évident de refuser un verre de vin et de quitter une soirée super tôt parce que le lendemain on s'entraîne... voire de refuser une invitation à dîner parce que devinez quoi ? on s'entraîne !...

Mais le jour J, j'ai compris.
J'ai compris que si j'étais si heureuse d'y être, si détendue, et si confiante, c'était grâce à l'entrainement.

L'ambiance au départ était bonne. Pas de pluie, pas de grand soleil non plus, mais une fraîcheur vivifiante. Temps presque parfait. Jusqu'à 10h, une foule, majoritairement masculine, s’est amassée progressivement sur l'esplanade du Château de Vincennes. Chacun attendant ensuite le top départ, dans le sas de sa catégorie.
Comme ma cousine, j'étais inscrite dans la catégorie "2h et plus", ou catégorie "SF". Pour Science-Fiction, certainement, me concernant. Ou pour Sans Fin, peut-être. A 11h, notre file, la dernière, est partie.

Pendant le premier kilomètre, j'étais bien... mais bien. On courrait tous à la même allure. Je me suis dit : chic ! J'assure trop ! Tu vas voir que je vais finir en beauté... Mmmm... en fait, les gars, ils s'échauffaient.
Passé le kilomètre 1, je me suis sentie beaucoup plus isolée. Mais nous avions établi une stratégie de course avec Pascal, pour tenir jusqu'au bout, donc je ne me suis pas laissée embarquer dans l'accélération.

Arrivée au kilomètre 5, premier ravitaillement, et premier constat : il n'y a plus rien à manger (bon, ça, c'était pas grave), mais surtout plus d'eau. Tout avait été raflé par les hordes précédentes. Pendant quelques secondes, j'ai sérieusement songé à abandonner : s'il n'y a plus d'eau ici, c'est que l'organisation a sous-estimé les besoins des coureurs, donc il y a de fortes chances qu'il n'y en ait plus non plus au 10ème et au 16ème kilomètre. Faire un semi sans eau ? Impossible. Et dangereux, surtout. Acheter une bouteille dans un magasin ? Pour ça il faut d'abord que je m'arrête à un distributeur. Non franchement, rien de tel pour péter une ambiance. J'ai ramassé une bouteille à moitié pleine par terre. Tant pis. Je mourrai peut-être d'une gastro, mais pas de soif.

Au 8ème km, une côte, un peu raide, la rue Taine. Bon. Elle est chiante, mais elle est courte, et encadrée de deux descentes. Si on raccourcit la foulée et qu'on tire bien les coudes vers l'arrière, ça passe...

J'avais donné rendez-vous à mon meilleur ami, sa femme et leur fille peu avant le ravito du 10ème km, mais arrivée sur place, personne. Je me suis sentie bouffée par la déception, vous n'imaginez pas. Sur le parcours, chaque encouragement, chaque sourire, même anonyme, chaque note de musique perçue au détour d'une rue est un verre d'eau sucrée. Le pouvoir de ces attentions là est inouï, même quand on ne les attend pas. Alors quand on les attend et qu'elles ne sont pas là... c'est un peu dur.
Mais tout de suite, mon esprit a été rattrapé par l'instinct de survie à l'approche du ravito : les amis on s'en fout ! Il y a de l'eau !!!... et du putain de Powerade sucré qui colle au bitume.

La suite a été très calme jusqu'au 12ème kilomètre. Là j'ai senti que je commençais à fatiguer.
A ce stade de la course, les rangs se clairsèment, et même si on a fait la moitié du parcours, on sait que le plus dur est à venir. Et on n'a pas encore tourné les talons, puisque la "bascule" à Châtelet intervient au 13ème km seulement. Donc psychologiquement, le cap est un peu difficile. C'est une de mes plus anciennes amies, Noémi, postée à un coin de la rue Saint-Antoine, qui m'a aidée à le passer avec le sourire, quand je l'ai entendue hurler ses encouragements, les yeux rougis par l'attente dans le froid.

La suite a défilé. Pas très vite, certes, mais ça a défilé. J'étais en "mode automatique". Alors attention, ça ne signifie pas "j'étais en extase, mes jambes bossaient toutes seules et pour moi c'était coolos les baskettos" hein. Juste une sorte de légère transe, engagée par le mouvement régulier des muscles, mais pas de blague : vous continuez quand même de la sentir passer.

Au ravito du 16ème km : à nouveau plus d'eau. Quelques oranges tout de même, qui ont bien aidé. Les bénévoles chargés de la distribution s'en prenaient plein la tête, de la part de coureurs excédés. Et assoiffés, surtout. Moi j'avoue que je n'avais pas assez d'énergie pour m’énerver. J'ai à nouveau préféré choper la malaria en me servant dans le caniveau. Mais cette fois-ci, bonne pioche, la bouteille était intacte... au passage, le gâchis observé pendant ces courses, c'est fou.

J'étais engagée dans la rue de reuilly, quand, arrivée à l'angle du boulevard Diderot, je les ai vus. D'abord Baptiste, mon meilleur ami, avec Annah dans les bras, puis sa femme Leslie, qui agitaient une pancarte avec des cœurs dessus, et qui hurlaient qu'ils m'aimaient et que j'étais la meilleure. J'en aurais chialé. Si j'avais eu encore un peu d'eau dans l'organisme, s'entend.

La suite n'a été qu'un feu d'artifice d'émotions de ce genre puisque Pascal, mon coach, m'a fait l'immense surprise de m'attendre au 17ème km, au pied de la seconde et dernière côte de ce semi pour qu'on la fasse ensemble. Sur son t-shirt, "Accept no limit". On ne pouvait pas assurer plus.
Puis mon incroyable petite sœur, au 18ème km, qui, sac au dos et chaussures de ville aux pieds, a couru à mes côtés pendant 500 mètres au moins... C'est bien simple, ils m'ont portée.

Donc quand je me suis retrouvée seule pour faire les 3 derniers kilomètres, j'ai soudain pesé trois tonnes.
Vous l'avez peut-être déjà lu dans d'autres comptes-rendus du semi-marathon de Paris, et je vous le confirme : oui, cette fin, de Porte dorée jusqu'à la ligne d'arrivée, est interminable. Oui, on a l'impression de faire du moonwalk, et oui, on a l'impression que le portique d'arrivée recule. A la fin, j'étais obligée de vérifier sur ma montre que j'étais bien en train de courir. J'avais l'impression que je pouvais m'arrêter à chaque pas, que je pouvais m'effondrer à chaque mètre. D'ailleurs une partie de vous vous conjure d'arrêter, de vous étendre là, sur le côté... Et une autre vous dit que si vous vous arrêtez maintenant, vous aurez fait tout ça pour rien.

Photo finish. Voyez cette foule incroyable. Il y avait quand même encore 600 personnes derrière moi.... et 32000 devant. Soit.


L'après portique est un mélange de moments heureux -celui où on se met enfin à marcher- et de moments moins heureux -celui où on réalise qu'on ne peut plus marcher.
Il m'a fallu une heure et demi pour récupérer (j'étais littéralement ivre, à ne plus pouvoir articuler correctement avec un mal de ventre carabiné), pouvoir enfin avaler quelque chose, et ressentir la joie immense de l'avoir fait. Et cette dernière sensation perdure depuis.

Pour la petite histoire, il n'y avait plus de médailles, à l'arrivée des derniers milliers de participants.
Plus de médailles.
Non mais qui fait ça, quoi.
Plus d'eau pendant la course.
Plus de ravito à l'arrivée non plus.
Mais plus de médailles ?!
Un petit courrier à l'organisateur pour lui dire ce que je pense de tout ça, et un beau matin, dans la boîte aux lettres, elle était là, avec mon temps gravé au dos : 2h53'57''.









Vingt et un virgule un (1)


Un semi-marathon.
Ça paraît dingue, non ?
Je me revois, un mardi de janvier. Il fait froid, il est 21h et je m’échauffe, tant bien que mal, au bord de la piste d’athlé pour faire un fractionné. Je me dis que j’aurais dû me couper un bras le jour où je me suis inscrite. A priori, je vais mettre au moins trois heures pour finir cette course. Qu’est-ce qui m’a pris putain. Qu’est-ce qui m’a fait penser, que moi, du haut de mes 90 kg pour 1,62 m, j’allais pouvoir courir 21,1 km ?
...
Depuis que je me suis mise à la course à pied, il y a un peu plus de deux ans, c’est toujours pareil.
A peine ai-je passé la ligne d’arrivée d’une course, qu’ivre de bonheur et encore toute rougie d’effort, je songe déjà à m’inscrire à une course d’une difficulté supérieure à celle que je viens de réaliser. Généralement, j’en parle d’abord à mon coach, Pascal, sur un ton léger, genre "je me tâte"…
 En fait c’est le terrain que je tâte. Le sien. Si je voyais passer la moindre lueur de doute dans ses yeux à ce moment-là, j’imagine que j’enterrerais le projet bien profondément. Mais à chaque fois, il m’écoute le plus sérieusement du monde, réfléchit, hoche la tête, puis imaginant déjà les contours d'un plan d'entrainement, m’assène simplement "c’est une très bonne idée, ma Caro".

J’ai annoncé que je voulais faire le semi-marathon de Paris en septembre 2013. Je venais de courir le Cross du Figaro, et j’étais heureuse. Heureuse de l’avoir fini, déjà, parce que 12 km avec du dénivelé, ce n’était pas gagné d’avance, et heureuse d’y avoir pris autant de plaisir. C’est la remarque d’un collègue à l’arrivée qui a tout déclenché : "Tu sais, les 12 km qu’on vient de faire, ça équivaut à 15 km sur du plat, c’est vachement bien !"… De 15 à 21, il n’y a qu’un pas !
...
Ouais.
Large, le pas.
Toutes séances cumulées, j’ai couru 111 km en octobre. Blessée lors d’un trail nocturne fin novembre, je n’ai pu reprendre l’entrainement que fin décembre. En janvier, il me restait donc à peine deux mois pour me préparer à l’épreuve qui devait se dérouler le 2 mars, à Paris.

Se préparer
C'est beau, un stade, la nuit. Mais c'est pas très rigolo.

Pendant ces 9 semaines, je me suis imposée quatre entrainements hebdomadaires. Mes semaines étaient généralement rythmées par un fractionné le mardi soir (par exemple, après un bon quart d’heure d’échauffement, courir pendant 20 min : 40 secondes très rapidement puis 20 secondes lentement), un autre fractionné plus dur le jeudi, avec Pascal (pour travailler l'endurance de vitesse, c'est à dire le maintien d'une vitesse plus élevée dans un temps plus long), une séance de musculation le samedi matin (c’est important, pour avoir une bonne posture de course, ne pas se blesser, et être un peu plus performant) et enfin une sortie tranquille mais longue le dimanche matin. J’ai commencé par 1h, puis 1h10, puis 1h15, 1h20, etc. Jusqu’à atteindre 2h, quinze jours avant le jour J. J’ai couru 14,5 km ce dimanche là. On était encore loin du compte, mais l’intention y était. Je savais que je tiendrais au moins jusque là. Pour le reste, on puiserait dans les réserves.

Quinze jour avant le semi, ma plus grande sortie.

A propos de réserves, celles de glucides s’épuisent pas mal lors d’une telle épreuve. Mais j'ai toujours beaucoup de mal à de mastiquer pendant une course ; même un pruneau ou un abricot, ça ne passe pas. Donc je ne m’arrête jamais aux ravitaillements, sauf pour prendre de l’eau, évidemment. J’avais donc prévu de prendre un tube de gel énergétique au miel ou à la pomme après chaque heure d’effort. Deux petits tubes donc (je comptais sur le ravito final pour me requinquer) plus un gel antioxydant à prendre 20 minutes avant le départ. C'est très très sucré, mais franchement, en plein effort, ça sauve. A prendre en même temps qu'une bonne rasade d'eau.

S'équiper

J'ai profité de ce passage dans un magasin spécialisé dans le running pour m'acheter aussi de la crème Nok. Appliquée quotidiennement sur les parties de l'abdomen où il y a des frottements avec la brassière ou avec la ceinture du cardiofréquencemètre, elle permet de renforcer la peau. Lors de sorties longues en effet (en général à partir d'1h15 chez moi), les brûlures et autres cisaillements ne sont pas rares. C'est assez douloureux et cela met parfois des semaines à partir, alors un conseil : protégez-vous.

Autre instrument indispensable avant de vous jeter dans le concert des semelles : des chaussettes. Achetez vous une paire de chaussettes pour distances longues. Dans ce rayon, deux écoles : vous avez le choix entre des chaussettes fines avec une contention importante (pour éviter tout jeu entre le pied et le textile), et des chaussettes "doublées" (du coup le frottement a lieu surtout entre les deux épaisseurs de tissus et non entre votre peau et la chaussette). J'ai essayé les deux, et seules les plus fines m'ont épargné les cloques.



A suivre : Vingt et un virgule un (2). Le Jour J.







vendredi 4 juillet 2014

Pourquoi je cours (1)

Carcans Maubuisson, août 2012
Bords de Loire entre le pont du Pertuiset et le barrage de Grangent le 13 octobre 2013



Rozier-Côtes-d'Aurec, le 31 décembre 2013
Le Brignon le 9 juin 2014