Vendredi 25 mai, 18h00. La semaine chargée de stress et avare en sommeil s'achève au stade Emile Anthoine.
L'air est lourd. Le soleil transforme mon jogging bleu marine en rice cooker. Il doit être en laine bouillie. Ou en plume d'oie, je ne sais pas...
Mon haut, en revanche, est fait dans un textile technique respirant. Mais il est noir, à manches longues. Je me souviens encore du jour où je l'ai acheté : j'ai quasiment ri au nez de la vendeuse qui me tendait un débardeur rose... Résultat, je suis cuite avant même de m'être échauffée.
J'ai rendez-vous avec Pascal pour une séance de fractionné. A priori, rien de très compliqué : je vais devoir faire 4 tours de stade (celui-ci fait 350 m), la première moitié en accélération, la seconde en récupération (marche rapide).
Avant de partir pour la 1ère accélération, Pascal m'indique que je dois
arriver à l'angle opposé en 1'20. Je me souviens que ça n'était pas loin d'être mon
rythme, pendant mon premier demi-cooper, puisque j'avais fait le premier tour en 3 minutes. Je pars donc confiante : je
peux le faire, je le sais.
Pascal court à mes côtés. Quand il n'est pas là, je pense que je brûle plus de calories à surveiller ma montre et à mémoriser mes performances qu'à faire l'exercice. Mais là, il me suffit de le suivre, c'est confortable. Et réconfortant.
La première accélération se passe. La seconde aussi. Côté chaleur, je suis à mi-cuisson. Côté mental, je suis surprise : je ne m'attendais pas à ce que la récupération soit si difficile. J'ai soif, ma bouche est en papier mâché. Je bois à chaque fin de boucle, mais rien n'y fait. Au troisième tour, j'ai arrêté de râler. Même entre les dents, ça me prenait trop d'énergie. A la fin de l'accélération, j'ai même commencé à hyper ventiler. En marchant, je me suis demandé qui était Emile Anthoine... Probablement le saint patron des
asphyxiés. Je déteste ce stade, je conchie le soleil, je veux de
l'ombre et il n'y en a pas.
"Allez, 4ème accélération, mais comme c'est la dernière...
Ah la vache, je connais ce sourire. Cette phrase qui ralentit un peu, ce suspens qui ménage son entrée...
... comme c'est la dernière, on va la faire en 1'15. C'est 5 secondes de moins, ça n'a l'air de rien, mais tu vas sentir la différence... Tu es prête ?"
Non. Non, ben non, je ne suis pas prête, non.
...
A bout de 2 mètres, je comprends où se situe le problème : on va trop vite.
On a bien parlé de 5 secondes, pas de 5 minutes ?
Je vois l'écart entre les talons de Pascal et mes pointes de pied s'allonger, s'allonger... Je n'ai plus de jus, je ne vais pas y arriver, je ne vais pas y arriver, je n'y arrive pas, je n'y arrive pas, je n'y arrive plus. Plus.
"Pascal... peux plus".
J'ai lâché prise dans un sanglot, au tournant.
A nouveau, la sensation de m'étouffer, la panique m'étreint. Les garçons qui s'entraînent à côté sur le terre-plein se retournent, intrigués par mon souffle bruyant et saccadé. J'ai tellement envie de pleurer. Mais même ça, je n'y arrive pas, j'ai les poumons tétanisés. Pascal me redresse la colonne d'air, tout s'arrête.
Je suis morte de déception.
...
"Tu t'es laissée submerger par le stress, mais c'est pas grave. Parce qu'on va le refaire".
Je n'en crois pas mes oreilles.
Il me refait le coup des squats, et je ne m'y attendais toujours pas.
Qu'est-ce que je suis con, bien sûr qu'on va le refaire...
L'espace d'un instant, je songe à abandonner.
Et puis Pascal me dit que s'il ne me savait pas capable de terminer ce tour, il ne me le ferait pas faire. Le problème, c'est que moi, je n'en suis pas convaincue. Pourtant, c'est simple : mon corps me suit. C'est moi qui décide, c'est moi le maître. Et pas l'inverse.
Peu à peu, la petite musique de l'ego monte en moi, comme les violons de la Walkyrie aux oreilles des patriotes... Je cale mes pieds sur la ligne de départ, regonflée à bloc. Je m'élance.
J'ai fini en 1'18.
"Alors, c'est qui, le maître ?" m'a lancé mon coach dans un rire.
Un sourire extatique s'est répandu sur ma face rouge brique. Et comme dans un film américain, un coureur qui me dépassait à ce moment là m'a crié "bravo" ! Il ne manquait plus que la foule qui applaudit au ralenti, Terri Nunn qui entonne "Take my breath away" et Tom Cruise qui recale ses Ray-ban. C'était merveilleux.
C'est vrai, c'est moi, le maître.
Je suis le capitaine de mon navire.
♪ ♫Take my breath a-euh-wayyyyyyyyyy tin tin, tin tin tin...♫♪
mardi 29 mai 2012
mercredi 23 mai 2012
La musculation
"Vers l'infini et au delàààààààà !" |
Tu m'étonnes.
Penchée sur ma montre, je tente de lire les encouragements techniques que me sert avec déférence mon vaillant coéquipier, le cardio-fréquencemètre, mais je tremble comme une feuille.
J'ai les nerfs qui lâchent.
Résultat d'une journée de merde, à lutter contre les autres, et surtout contre moi-même. Essuyer des reproches, rattraper les retards, ménager les uns, secouer les autres...
"Cette séance a aussi développé votre vitesse et votre efficacité".
Elle a surtout développé ma sensibilité, ouais ! Je me suis effondrée comme un vieux soufflé après la dernière répétition de la dernière série d'air squats.
Cette fois ci, j' en ai fait 148... 148 schizophréniques "tiens, et si je m’asseyais sur ce banc ? Oh et puis non !"...
Qui l'eût cru, après la grande scène du plongeur japonais, il y a 5 semaines.:-)
En réalité, je viens d'apprendre ma première leçon de musculation. Pour progresser, il faut jouer sur trois critères, pousser trois curseurs, alternativement ou cumulativement : la durée, l'intensité, et la fréquence.
Pendant les premières semaines, j'ai fait à chaque séance un seul exercice de musculation : soit les quadriceps (5 séries de 30 secondes chacune, entrecoupées d'une minute de récupération à chaque fois) soit le grand pectoral, soit le grand dorsal (la même chose, mais avec une charge de 5 kg).
Puis le 5 mai, j'ai commencé à faire les trois exercices dans la même séance, avec des charges de 10kg, mais avec les mêmes objectifs de répétitions et le même temps de récupération.
Lors des séances suivantes, Pascal m'a fait redescendre à 5 kg sur le pectoral (trop tôt pour 10 kg), mais il m'a fait passer à 15kg sur le dorsal.
Et aujourd'hui, j'ai franchi une nouvelle étape puisque je suis passée de 5 à 8 séries de 20 répétitions, et le temps de récupération n'était plus d'une minute, mais de 30 secondes.
Je n'ai pas rempli le contrat sur tous les plans (je n’atteins pas toujours les 20 répétitions sur les pectoraux et les quadriceps).
Mais ce mardi, j'ai gagné une chose importante : la certitude que je peux aller au sport toute seule, après une nuit trop courte et une journée trop longue, faire 148 pec, 169 dorsaux, 148 squats, et repartir en métro sans hurler à chaque marche.
samedi 19 mai 2012
Ischémie mésentéquoi ?!
Vous vous souvenez qu'après le demi-Cooper de mercredi soir, j'avais encore envie d'en découdre ? Et que j'avais suggéré à mon coach préféré de me concocter un petit programme pour le lendemain ?
J'ai encore perdu une occasion de me taire.
Jeudi, 12h30, direction la salle de sport.
J'ai encore perdu une occasion de me taire.
Jeudi, 12h30, direction la salle de sport.
Après un petit
échauffement, j'ai débuté une première session de 10 minutes sur le tapis de
course, alternant marche rapide (5.5 km/h) et course lente (6.5 km/h).
Puis j'ai attaqué le corps de la séance. Pascal m'avait dit : "tu fais 20 minutes en fractionné, en alternant 2 minutes à 7,8 km/h et 1 minute de récupération à 6,5 km/h".
Déjà, j'aime bien la notion de récupération à 6.5 km/h...
On sent le loup, voyez.
On ne le voit pas encore, mais on le sent, tapi et ricanant, dans l'ombre du cardio-fréquencemètre.
Me voilà donc partie pour 7 accélérations de 2 minutes.
J'ai tenu bon les trois premières accélérations, mais à
la fin de la 3ème, je ne suis pas arrivée à récupérer en courant. Ni même en
marchant. Je me suis arrêtée, un peu déçue de ne pas remplir le contrat. Mais je suis tout de même repartie, une minute plus tard,
pour une 4ème accélération. Puis pour une 5ème, toujours à 7.8 km/h.Puis j'ai attaqué le corps de la séance. Pascal m'avait dit : "tu fais 20 minutes en fractionné, en alternant 2 minutes à 7,8 km/h et 1 minute de récupération à 6,5 km/h".
Déjà, j'aime bien la notion de récupération à 6.5 km/h...
On sent le loup, voyez.
On ne le voit pas encore, mais on le sent, tapi et ricanant, dans l'ombre du cardio-fréquencemètre.
Me voilà donc partie pour 7 accélérations de 2 minutes.
La classe ?
Non.
Non, car c'est là que j'ai commencé à avoir envie de vomir. Là, direct, sur le tableau de bord du tapis de course. J'ai récupéré à l'arrêt pendant 3 minutes. Je n'arrivais plus à respirer, j'avais la tronche cramoisie, et puis cette nausée là, qui me collait au plexus... J'ai tout de même repris pour faire les deux dernières accélérations en m'arrêtant 1 minute entre les deux.
Pour la 3e et dernière session de 10 minutes, Pascal m'avait dit "soit tu peux continuer en fractionné" (hahahahaa !!!) soit tu récupères en courant à faible allure ou en marchant, je ne sais plus trop. Mais de toute façon, je n'ai pas pu aller au delà d'une petite marche à 4 km/h. J'étais cramée.
Avoir la nausée en courant, c'est extrêmement fréquent. Même moi, j'en avais entendu parler. Mais à quoi est-ce dû ? Apparemment, ces nausées, et d'autres troubles plus graves selon l'intensité et la longueur de l'effort, sont causées par une ischémie mésentérique. Il s'agit d'un apport insuffisant en oxygène vers le système digestif, délaissé le temps de la course par l'organisme, qui va alimenter en priorité les organes actifs, en l’occurrence les muscles. J'ai eu les viscères un peu asphyxiés, quoi voilà.
Selon Pascal, on s'y habitue. On ne s'y fait jamais, mais on s'y habitue.
Heurk.
jeudi 17 mai 2012
La revanche du demi-cooper
Ne pas regarder ma fréquence cardiaque, ne pas regarder ma fréquence cardiaque, ne pas regarder ma fréquence cardiaque...
Prête à m'élancer sur la piste d'athlé, je me récite le mantra des angoissés.
Ne pas regarder ma fréquence cardiaque, sinon je vais flipper.
Ça fait une semaine que je le sais, une semaine que j'y pense : ce soir, c'est la revanche du demi-Cooper.
Un mois et demi nous séparent de ma première tentative, or ce test doit être refait régulièrement pour prendre la mesure des progrès effectués et adapter les séances d'entrainement aux résultats.
Je me suis TOUT fait, pour rater cette nouvelle épreuve : un torticolis, dès samedi dernier, des crampes au mollet, depuis dimanche, et j'ai même réussi à ne dormir que 5 heures et demi cette nuit... Il ne faudrait pas que j'arrive en forme au rendez-vous, vous comprenez. Et si ça me demandait autant d'efforts que la première fois ? Et si je me rendais compte que je n'avais pas progressé ?? Attendez, attendez : et si, carrément, j'avais RÉGRESSÉ, depuis la dernière fois ?!
Après 20 minutes d'échauffement, Pascal me donne enfin le top départ. C'est parti pour 6 minutes, au maximum de ce que je peux faire en distance. Sans forcer, donc, mais sans traîner non plus. Très vite, ma respiration s'accélère. Mon dieu que je me sens lourde. Et c'est quoi, là, tout ce qui bouge autour de mon super gainage ?... Ah ce sont mes cellules adipeuses. Au temps pour moi.
Très rapidement, je regrette mes séances de fractionné sur le tapis de course. Là, il n'y a plus rien pour m'aider à maintenir l'allure, et zéro temps de récupération.
Un coup d'oeil au chrono. 2'38''.
Fréquence cardiaque : 179
Et merde, j'ai regardé.
J'essaye de respirer profondément, et calmement, comme si je n'étais pas en train de courir. Comme si j'étais en train de nager, avec mes palmes. Parfois je m'amuse à faire un demi-bassin en prenant le moins de respirations possible. J'arrive à me contenter de trois goulées d'air, dont la dernière généralement juste avant la ligne des 25 m... Et je passe le demi-bassin suivant à payer en halètements le prix de cette tentative de jacquesmayolisation désespérée.
Pour l'heure, je me sens tendue du nombril jusqu'à la racine de mes cheveux. J'ai l'impression de courir autant avec mes trapèzes et ma cage thoracique qu'avec mes jambes. J'essaye de détendre mes épaules, mais ça ne dure à chaque fois que quelques secondes. A l'enjambée suivante, elles reviennent se réfugier sous mes oreilles.
5'43.
J'ai envie de me disloquer toute entière. De me déboiter les deux fémurs là, maintenant, juste pour que ça s'arrête. Résister encore quelques secondes.
Fréquence cardiaque : 183.
J'ai parcouru 830 mètres. Contre 700 mètres la première fois. Même si, en soi, ça n'est pas grand chose, 18 % de distance en plus, c'est plutôt chouette. Et surtout, la récupération s'est faite beaucoup plus vite que lors de la dernière séance.
Après les étirements, j'ai dit à Pascal que comme la séance de ce soir avait été plutôt légère (si vous pensez que je suis folle, envoyez 1 au 71212), j'irais bien à la salle de sport demain. Il me donne donc un programme de fractionné à faire sur le tapis de course.
Ce n'est que maintenant, trois heures plus tard, que je commence à sentir que non, la séance n'était pas légère. Je suis fourbue, de la tête aux pieds. Je comprends aussi que le test de Cooper restera toujours un cap difficile, parce qu'il nécessite, quel que soit le niveau, de donner le meilleur de soi.
Prête à m'élancer sur la piste d'athlé, je me récite le mantra des angoissés.
Ne pas regarder ma fréquence cardiaque, sinon je vais flipper.
Ça fait une semaine que je le sais, une semaine que j'y pense : ce soir, c'est la revanche du demi-Cooper.
Un mois et demi nous séparent de ma première tentative, or ce test doit être refait régulièrement pour prendre la mesure des progrès effectués et adapter les séances d'entrainement aux résultats.
Je me suis TOUT fait, pour rater cette nouvelle épreuve : un torticolis, dès samedi dernier, des crampes au mollet, depuis dimanche, et j'ai même réussi à ne dormir que 5 heures et demi cette nuit... Il ne faudrait pas que j'arrive en forme au rendez-vous, vous comprenez. Et si ça me demandait autant d'efforts que la première fois ? Et si je me rendais compte que je n'avais pas progressé ?? Attendez, attendez : et si, carrément, j'avais RÉGRESSÉ, depuis la dernière fois ?!
Après 20 minutes d'échauffement, Pascal me donne enfin le top départ. C'est parti pour 6 minutes, au maximum de ce que je peux faire en distance. Sans forcer, donc, mais sans traîner non plus. Très vite, ma respiration s'accélère. Mon dieu que je me sens lourde. Et c'est quoi, là, tout ce qui bouge autour de mon super gainage ?... Ah ce sont mes cellules adipeuses. Au temps pour moi.
Très rapidement, je regrette mes séances de fractionné sur le tapis de course. Là, il n'y a plus rien pour m'aider à maintenir l'allure, et zéro temps de récupération.
Un coup d'oeil au chrono. 2'38''.
Fréquence cardiaque : 179
Et merde, j'ai regardé.
J'essaye de respirer profondément, et calmement, comme si je n'étais pas en train de courir. Comme si j'étais en train de nager, avec mes palmes. Parfois je m'amuse à faire un demi-bassin en prenant le moins de respirations possible. J'arrive à me contenter de trois goulées d'air, dont la dernière généralement juste avant la ligne des 25 m... Et je passe le demi-bassin suivant à payer en halètements le prix de cette tentative de jacquesmayolisation désespérée.
Pour l'heure, je me sens tendue du nombril jusqu'à la racine de mes cheveux. J'ai l'impression de courir autant avec mes trapèzes et ma cage thoracique qu'avec mes jambes. J'essaye de détendre mes épaules, mais ça ne dure à chaque fois que quelques secondes. A l'enjambée suivante, elles reviennent se réfugier sous mes oreilles.
5'43.
J'ai envie de me disloquer toute entière. De me déboiter les deux fémurs là, maintenant, juste pour que ça s'arrête. Résister encore quelques secondes.
Fréquence cardiaque : 183.
J'ai parcouru 830 mètres. Contre 700 mètres la première fois. Même si, en soi, ça n'est pas grand chose, 18 % de distance en plus, c'est plutôt chouette. Et surtout, la récupération s'est faite beaucoup plus vite que lors de la dernière séance.
Après les étirements, j'ai dit à Pascal que comme la séance de ce soir avait été plutôt légère (si vous pensez que je suis folle, envoyez 1 au 71212), j'irais bien à la salle de sport demain. Il me donne donc un programme de fractionné à faire sur le tapis de course.
Ce n'est que maintenant, trois heures plus tard, que je commence à sentir que non, la séance n'était pas légère. Je suis fourbue, de la tête aux pieds. Je comprends aussi que le test de Cooper restera toujours un cap difficile, parce qu'il nécessite, quel que soit le niveau, de donner le meilleur de soi.
mardi 15 mai 2012
La cortisone
Mercredi dernier, mon médecin à l’hôpital m'a confirmé que j'arrêtais mon traitement le 1er août.
Enfin la partie la plus pénible de mon traitement : la cortisone. J'ai toujours pensé que quand ce jour là arriverait, je ferais une grosse fête... Mais aujourd'hui, je ne me rends même plus compte que j'en prends. Ma dose quotidienne est infinitésimale, et les effets secondaires ont totalement disparu... Rien de comparable avec les premiers mois.
- Oulala ma pauvre !
- quoi ?
- Ben t'as une rage de dent !
- .... non, pourquoi ?
- Si, si, t'as une rage de dent, là regarde !
-... Ah.... Ok, je vois. Non. Je suis sous cortisone.
- ... T'es sûûûûre ??
- ...
Je considère un instant ma collègue, qui se tient à la porte des toilettes, les yeux rivés sur ma joue droite.
Tu parles que je suis sûre.
On est en septembre 2010, je suis sous cortisone depuis le 15 juin. Ça fait 3 mois que je ne dors plus, j'ai pris 7 kg - tout dans les gencives, hein, manifestement- alors que je fais un régime drastique, et j'ai envie de tuer tout le monde.... Attends, laisse moi réfléchir : oui, je suis sûre.
La cortisone n'est pas un médicament. C'est une hormone, que nos glandes surrénales, collées à nos rognons, secrètent en principe naturellement, et qui est activée en cortisol (si j'ai bien compris). Ce dernier a des effets anti-inflammatoires puissants. Très puissants. Synthétisé en laboratoire sous forme de corticoïdes, il est capable de calmer un système immunitaire défaillant en moins de deux. Et quand je dis en moins de deux, je veux dire en quelques heures seulement. Ça c'est la partie sympa de l'iceberg, celle qui te sauve la vie, celle qui fait que tous les matins, malgré la liste de désagréments que tu sens venir, tu dis rien, et tu prends ta dose avec reconnaissance.
Et puis malheureusement, il y a tout le reste : les effets sur le métabolisme, sur les os, sur le sommeil ... Je transpire quand je bouge le petit doigt, je prends du poids en regardant une biscotte (oui, car il y a du sel et un peu de matière grasse, dans cette biscotte) et ça tombe mal : j'ai une une faim de trappeur canadien... Le pire, c'est qu'en mangeant des pâtes sans sel et de la salade sans huile, j'ai quand même réussi à gonfler comme un petit crapaud dans le formol.
Je boirais bien pour oublier, mais je m'interdis l'alcool parce que le moindre verre me fait l'effet d'un jéroboam. Sans compter que mon traitement me grignote l'estomac ; il y a des jours où ça me fait mal jusque dans les gencives (et non, je vous vois venir, ça n'a aucun rapport avec les 7 kg qui s'y sont logés). Je cicatrise mal, j'ai des bleus partout, et je chope des crampes en permanence, en pleine nuit, comme en pleine conversation téléphonique...
- Et là, tu vois, tu coupes ton aubergine et RHAAAAA !
- Et rhaaaa ?
- Et tu fais pareil avec l'oignon.
C'est un style.
Enfin, j'ai appris que le cortisol était aussi appelé l'hormone du stress.
Et bien voyez-vous, quand, à 5 heures du matin, vous dansez la gigue sur votre matelas, les yeux explosés de fatigue et le cœur à 100 pulsations minutes, vous en prenez toute la mesure. Inutile d'espérer dormir sans somnifères. Et encore, ça vous fera 4 ou 5 heures, pas plus.
Par ailleurs, si vous entamez un long traitement, prévenez votre entourage : vous allez probablement devenir irascible, colérique et susceptible. Et à ces mouvements d'humeur vont succéder, de préférence assez subitement, des phases d'excitation euphorique. C'est bien, au boulot. C'est pratique.
Alors non, ce matin là de septembre 2010, je n'avais pas de rage de dent, j'avais la rage tout court.
jeudi 10 mai 2012
And the beat goes on...
Hier, 17h00.
Street liiiiiiiiiiiiiiife !
La voix de Randy Crawford s'élève dans les airs comme un lasso de fumée soul, les rondeurs de Jackie Brown emplissent la petite salle, j'ai le mollet qui s'arrondit, la hanche qui frémit, l'index prêt à monter au ciel dans un mouvem...
- Ah, non, tu ne danses pas.
-.... ah oui, c'est vrai.
Street life... And it's the only life I know !
Voilà bien 10 minutes que je marche à 2 à l'heure (littéralement) sur ce tapis de course pour récupérer de la séance. Pascal, l’œil rivé au cardio-fréquencemètre tente de mesurer le temps que met ma fréquence cardiaque pour redescendre.
-... C'est fou ça, tu étais à 65%, tu viens de repasser à 70%.
Je tente de respirer profondément pour ralentir la bête...
C'est marrant, le pouvoir de quelques notes...
La séance a été rude. En guise d'échauffement, j'ai fait 10 minutes de marche rapide et de course. Puis j'ai enchaîné avec un test de musculation dont je vous passe les détails techniques, mais qui m'a fait me prendre pendant une bonne demi-heure pour un héros de Marvel.
Je venais de finir 5 séries d'air squats (en moyenne 18 par série), qui, comme vous le savez, ne sont pas mes amis, quand Pascal m'a dit que la séance ne s'arrêtait pas là, comme d'habitude, mais qu'on allait enchaîner avec une course fractionnée. Il s'agit d'alterner des périodes d'accélérations avec des périodes de récupération. Cette fois ci, on va aller un peu plus loin que les fois précédentes, où je courrais 40 secondes, puis m'arrêtais 20 secondes, et ainsi de suite. Là, je vais commencer en 45"/15", et terminer en 50"/10". Et bien, ça n'a l'air de rien, comme ça, 5 secondes, mais croyez moi, ça change tout.
En tout, j'ai mis 15 longues minutes à récupérer, après cet exercice. Pourtant, malgré la fatigue, je me sentais bien. Mais mon cœur a mis un temps fou à redescendre. Et malheureusement, la musique n'y était pour rien.
J'ai beau avoir la Rolls des baskets, la Rolls des coachs, et un mental de gagnant, je garde un moteur de 4L. Or ces 15 minutes, je dois arriver à les ramener à 3 pendant ces prochaines semaines, si je veux pouvoir passer à l'étape suivante (SPOILER ALERT) : la boxe !!
Hahaha ! vous la voyez venir, là, la Rocky Balboa ? :-))
... A suivre...
mardi 8 mai 2012
Le changement, c'est maintenant
Changer prend du temps. Dans notre société hystérique d'impatience, il est dur de l'admettre, et de le faire admettre.
Pour les personnes souffrant d'obésité, changer est un travail de longue haleine, qui demande la mise en place d'une véritable stratégie holistique. Faire un régime "coup de poing", hypocalorique ou hyperprotéiné peu importe, pendant quelques mois, sans prendre le temps de s'interroger sur l'origine de son surpoids, ou sans faire de la place dans sa vie pour une véritable activité physique, est, à mon sens, une erreur fatale, à la source d'un gain de poids assuré à l'issue de la période de disette.
Je l'ai compris en rencontrant, en 2007, le Dr Jocelyne Raison, une nutritionniste responsable d'une unité spécialisée dans l'obésité en milieu hospitalier. Sous l'action cumulée d'une nature généreuse, d'une dépression pendant ma thèse, de l'arrêt de la cigarette en 2006, et d'un travail passionnant mais sédentaire, mon poids était monté très haut. Elle m'a donc proposé de passer une semaine dans ce service, où les patients sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire, composée notamment d'une nutritionniste, d'un médecin généraliste, d'un kinésithérapeute et d'une psychologue comportementaliste.
J'y ai appris des choses fondamentales, comme, par exemple, que mon savoir théorique en nutrition était excellent, que je n'avais pas de problèmes de santé du type diabète ou cholestérol, et que, contrairement à ce que j'imaginais, j'étais capable de faire de la marche ou du vélo, un petit peu chaque jour.... Par élimination, je me suis donc fortement rapprochée de la psy.
J'ai commencé à perdre du poids début 2008, grâce à l'action combinée de cette nutritionniste, qui ne m'a jamais donné de régime mais qui m'a appris à respecter ma faim, de cette psy, qui m'a appris à cesser de procrastiner et qui m'a aidé à prendre les bonnes décisions, et de moi-même, enfin, qui trainais ma carcasse trois fois par semaine tantôt à la gym, tantôt à la piscine et tantôt au bois de Vincennes faire du vélo. Deux ans plus tard, j'avais perdu 30 kg.
Curieusement, vous savez ce qui m'a parfois pris le plus d'énergie, dans tout ça ? Lutter contre les autres. Ou plutôt contre leurs préjugés et leurs remèdes miracles. Contre celui qui vous regarde de biais quand vous prenez une tranche de pain, qui finit par vous faire une remarque agacée si vous avez, en plus, l'outrecuidance d'y mettre du fromage, et qui, invariablement, justifie ce mouvement d'humeur par un "c'est pour ton bien, hein, que je te dis ça".... Non. C'est pas pour mon bien. C'est parce que tu trouves ça dégueulasse, un gros qui mange. C'est parce que tu ne comprends pas.
Et d'ailleurs, qui ne s'est pas fait cette réflexion un jour, en voyant une personne obèse manger un Mc Do ? Il l'a bien cherché. Moi-même, je l'ai pensé. Le gros ne devrait manger que de la salade. A la rigueur des brocolis. D'ailleurs, il finit par se plier à la règle de l'inconscient collectif en se mettant au régime. Au début tout se passe bien, parce qu'il maigrit, et parce que les autres sont enfin fiers de lui. Mais rapidement le corps refuse de répondre, résiste à l'amaigrissement, en dépit des efforts. Puis, l'esprit frustré se venge, en mangeant deux fois plus, si possible du chocolat. Et en cachette.
L'entourage fait ce qu'il peut, bien sûr. Et le plus souvent il ne peut pas grand chose, hormis s'abstenir. Le plus grave, c'est que j'ai entendu des médecins me tenir ce genre de discours. "Vous avez envie de grignoter, le soir, parce que vous vous sentez seule ? Un grand verre d'eau, des glaçons, un jus de citron, et hop !". Il y en a même un, récemment, qui m'a dit de me mettre au régime, et d'y mettre les "bouchées doubles". Mot pour mot.
Changer prend du temps, donc. Mais la décision même de changer en prend aussi, et parfois plus.
Est-ce le fait de ne plus rentrer qu'au chausse-pied dans les sièges des avions ? de ne plus trouver de vêtements à votre taille dans les magasins ?... Le déclic, c'est comme un coup de foudre. Une faille, dans une carapace tordue. Je défie quiconque de trouver la formule exacte de cette alchimie, qui transforme le cercle vicieux en tourbillon vertueux.
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