mardi 8 mai 2012

Le changement, c'est maintenant



Changer prend du temps. Dans notre société hystérique d'impatience, il est dur de l'admettre, et de le faire admettre.

Pour les personnes souffrant d'obésité, changer est un travail de longue haleine, qui demande la mise en place d'une véritable stratégie holistique. Faire un régime "coup de poing", hypocalorique ou hyperprotéiné peu importe, pendant quelques mois, sans prendre le temps de s'interroger sur l'origine de son surpoids, ou sans faire de la place dans sa vie pour une véritable activité physique, est, à mon sens, une erreur fatale, à la source d'un gain de poids assuré à l'issue de la période de disette.
Je l'ai compris en rencontrant, en 2007, le Dr Jocelyne Raison, une nutritionniste responsable d'une unité spécialisée dans l'obésité en milieu hospitalier. Sous l'action cumulée d'une nature généreuse, d'une dépression pendant ma thèse, de l'arrêt de la cigarette en 2006, et d'un travail passionnant mais sédentaire, mon poids était monté très haut. Elle m'a donc proposé de passer une semaine dans ce service, où les patients sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire, composée notamment d'une nutritionniste, d'un médecin généraliste, d'un kinésithérapeute et d'une psychologue comportementaliste.
J'y ai appris des choses fondamentales, comme, par exemple, que mon savoir théorique en nutrition était excellent, que je n'avais pas de problèmes de santé du type diabète ou cholestérol, et que, contrairement à ce que j'imaginais, j'étais capable de faire de la marche ou du vélo, un petit peu chaque jour.... Par élimination, je me suis donc fortement rapprochée de la psy.
J'ai commencé à perdre du poids début 2008, grâce à l'action combinée de cette nutritionniste, qui ne m'a jamais donné de régime mais qui m'a appris à respecter ma faim, de cette psy, qui m'a appris à cesser de procrastiner et qui m'a aidé à prendre les bonnes décisions, et de moi-même, enfin, qui trainais ma carcasse trois fois par semaine tantôt à la gym, tantôt à la piscine et tantôt au bois de Vincennes faire du vélo. Deux ans plus tard, j'avais perdu 30 kg.

Curieusement, vous savez ce qui m'a parfois pris le plus d'énergie, dans tout ça ? Lutter contre les autres. Ou plutôt contre leurs préjugés et leurs remèdes miracles. Contre celui qui vous regarde de biais quand vous prenez une tranche de pain, qui finit par vous faire une remarque agacée si vous avez, en plus, l'outrecuidance d'y mettre du fromage, et qui, invariablement, justifie ce mouvement d'humeur par un "c'est pour ton bien, hein, que je te dis ça".... Non. C'est pas pour mon bien. C'est parce que tu trouves ça dégueulasse, un gros qui mange.  C'est parce que tu ne comprends pas.
Et d'ailleurs, qui ne s'est pas fait cette réflexion un jour, en voyant une personne obèse manger un Mc Do ? Il l'a bien cherché. Moi-même, je l'ai pensé. Le gros ne devrait manger que de la salade. A la rigueur des brocolis. D'ailleurs, il finit par se plier à la règle de l'inconscient collectif en se mettant au régime. Au début tout se passe bien, parce qu'il maigrit, et parce que les autres sont enfin fiers de lui. Mais rapidement le corps refuse de répondre, résiste à l'amaigrissement, en dépit des efforts. Puis, l'esprit frustré se venge, en mangeant deux fois plus, si possible du chocolat. Et en cachette.
L'entourage fait ce qu'il peut, bien sûr. Et le plus souvent il ne peut pas grand chose, hormis s'abstenir. Le plus grave, c'est que j'ai entendu des médecins me tenir ce genre de discours. "Vous avez envie de grignoter, le soir, parce que vous vous sentez seule ? Un grand verre d'eau, des glaçons, un jus de citron, et hop !". Il y en a même un, récemment, qui m'a dit de me mettre au régime, et d'y mettre les "bouchées doubles". Mot pour mot.
 
Changer prend du temps, donc. Mais la décision même de changer en prend aussi, et parfois plus.
Est-ce le fait de ne plus rentrer qu'au chausse-pied dans les sièges des avions ? de ne plus trouver de vêtements à votre taille dans les magasins ?... Le déclic, c'est comme un coup de foudre. Une faille, dans une carapace tordue. Je défie quiconque de trouver la formule exacte de cette alchimie, qui transforme le cercle vicieux en tourbillon vertueux.

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